C’est la dernière étape de notre périple. Le bivouac de cette nuit fut le plus froid de tous mais sans la pluie. Le réveil au pied des Aravis en ombre chinoise est mémorable. Nous sommes côté ouest de la chaîne et la manche consiste à passer de l’autre côté puis de rejoindre le lac de Passy, ultime atterro de la course. Une première marche (avec les sacs) nous conduit à 1500 m d’altitude après 10 km, au Crêt du Merle. Puis nous enchaînons 500 m de dénivelée jusqu’au Crêt du Loup. De là, nous grimpons encore environ 200m en direction de l’Aiguille pour trouver un espace sympa pour décoller. Bref, il est 13H30 quand je suis prêt à partir. Mais ma lucidité est entamée et je suis à la lettre le plan prévu c'est-à-dire juste le gain nécessaire pour passer le col des Aravis. Je délaisse donc un thermique à 2200m et me lance sur la face est. J’aperçois alors plusieurs voiles droit devant moi, au-dessus de La Giettaz et je me dis que c’est donc là qu’il faut aller. Erreur fatale ! Je n’avais qu’à longer au plus près la face est et me laisser porter jusqu’au bout de la chaîne et c’était gagné. L’autre option c’était de rester sur les faces ouest, d’attendre que ça chauffe puis de foncer sur la pointe percée, l’extrémité de la chaîne et ensuite de basculer vers le goal. Mais non, il a fallu que je me jette tête la première dans le piège. Bon, me voila donc en train de faire des allers-retours les pieds dans les feuilles en espérant une bulle salvatrice. Le problème c’est que nous sommes un bon paquet et que les places sont chères. Au bout de quelques minutes je dois me résoudre à poser pour essayer de monter plus haut dans la pente et plus au nord afin de me rapprocher du but.Mais décidément ce n’est pas mon jour. Premier déco trouvé au bout d’une demi-heure mais plus de brise et peu de pente.
Fatigue + mauvaises conditions au déco=déco foiré. Je remonte et marche encore une demi-heure pour trouver une pente abrupte afin d’être en l’air le plus vite possible. Mais le vent a maintenant tourné et je sens dans ma nuque le doux zéphyr qui me susurre que je vais devoir me farcir les 15 bornes à pied (à vol d’oiseau ; calculez vous-même par les pistes et routes, moi j’ai renoncé !). Je me pose et réfléchis comme je peux et je m’aperçois que, de brefs instants, la brise arrière fait des petites pauses. Ni une ni deux. Je prépare le matériel comme dans les livres en vérifiant chaque suspente, chaque maillon, bref la vraie prévol de chez….moi ! Puis je me place dos à la voile suspentes légèrement détendues et centré pile poil. Et j’attends ; Et j’attends ; Plusieurs minutes se passent mais la brise de cul est toujours là. Je désespère vraiment et je me donne encore cinq minutes avant de tout bâcher quand les herbes semblent s’immobiliser un instant. Je me lance comme un sprinter tel que nous le faisions dans le temps avec les voiles de parachutisme. La voile commence à prendre mon poids en charge et c’est la rupture de pente ; Je plonge comme une pierre en jouant sur les freins chirurgicalement et en galopant comme un fou et le miracle s’accompli. Mais le sol se rapproche à nouveau et tout va très vite. Je me hurle de courir comme à un élève. Je retouche une fois, deux fois et puis je me dégage. C’est gagné !
Je plane maintenant dans le calme en direction d’une gorge boisée peu accueillante mais quelques champs tapissent le fond. Pas de problème en cas de vache. De plus, l’espoir est revenu et avec lui la technique et l’observation. Les mouvements des feuilles me guident et un quart d’heure plus tard j’ai repris suffisamment de gaz dans le thermo dynamique pour espérer passer ce verrou. Il me manque environ 200 mètres et je pourrai basculer au-dessus du col en direction de Sallanches. C’est alors qu’une voile (Roland Wacogne) me rejoint et ensemble nous essayons de travailler le peu qu’il y a. Soudain nous centrons une belle bulle et le pari semble gagné. Mais je fais une erreur et le temps de me replacer c’est trop tard. Roland est passé et j’ai à nouveau les pieds dans les feuilles. Je suis crevé et n’ai plus la force de me battre. J’abandonne la partie et me pose au fond de ce cul-de-sac dans un champ de fleurs des champs aussi hautes que moi. Je sors rapidement, m’assois au bord du chemin, puis je préviens la récup, signalant par là mon abandon à ce point du parcours. Je vais encore redescendre bruyamment au classement…Mais cela n’a plus d’importance maintenant. J’ai trouvé ce que j’étais venu chercher.
Le reste est anecdotique, long retour en navette ou nous récupérons des pilotes au fur et à mesure, arrivée tardive au bivouac ou la remise des prix a déjà commencé ( !) installation, repas, et la nuit au pied du Mont Blanc qui s’impose sur un ciel de carte postale pendant que des ballons lumineux montent au loin. Nous remercions les organisateurs, saluons nos nouveaux copains de jeu et, bien sûr, nous nous promettons de revenir.
Toujours la même météo au rendez-vous après une courte nuit au camping de Talloires. Il me faut souligner la qualité de l’accueil qui nous a été réservé par les professionnels du vol libre locaux, et tous les partenaires Anneciens. PP Ménégoz en chef de file et digne représentant de l’activité distribuant cadeaux et encouragements lors d’un apéritif qui s’allongea puis un excellent repas pris à la terrasse dans une grande convivialité, tout cela reste pour moi un des meilleurs souvenirs de cette course. Mais le lendemain matin donc, après un petit déjeuner pantagruélique, Arnaud lance la manche au départ de Planfait. Toujours le choix de monter avec ou sans voile voire même en navette. Nous faisons le choix de la marche sans sac, sentant peut-être inconsciemment qu’il va falloir en garder sous le pied aujourd’hui. Au déco c’est la même chose qu’hier, cela semble accueillant, mais de nombreux nuages ne permettent pas à l’activité thermique de se mettre vraiment en place et il faut jongler avec le dynamique en espérant une bulle plus puissante que les autres pour s’extraire. Nous décidons d’appliquer la même tactique que la veille : départ tardif et pied au plancher ensuite. Mais à trop vouloir attendre nous loupons le bon créneau et nous voilà à zôner devant le déco alors qu’il ne nous reste que trois heures pour boucler ! J’essaie d’aller voir au nord des dents de Lanfon, Chibane me suit et se fait enterrer. Il doit finir à pied pour valider son étape. Mickaël se fait descendre au pied du déco, quant à moi je reviens radada, me bats pendant un quart d’heure les pieds dans les arbres et dois enfin me résoudre à poser comme les autres. S’en suit une discussion rapide sur ce que nous pouvons encore espérer et décision est prise pour une marche jusqu’au point limite d’entrée dans le cercle de validation : Thônes, 15 km de route avec les sacs sur le dos. Il fait chaud et nous en bavons. Nous arrivons à 700m du but à l’heure limite et sauvons donc ainsi les meubles. Mais je crains bien que mon classement ait pris une sacrée descente. Bof ! Demain sera un autre jour, et puis marcher c’est sympa aussi, non ? Grrrrrrr !!!!
Au lever la météo s’annonce vraiment moyenne. Toujours du nord-ouest et certainement du mal pour boucler une étape comme celle-ci. A mon avis la plus ambitieuse du programme hormis la 1 qui fut annulée. Mais judicieusement Arnaud propose l’option de la Féclaz en se disant qu’au moins on ne sera pas sous le vent et que même si on pose au pied du Revard ou du Semnoz on finira à pied sans trop de dénivelée. Donc étape la Féclaz-Talloires au menu avec deux points de contournement (pour rajouter des points aux plus grands circuits) et toujours horaire maxi fixé et prime aux premiers qui font le goal (pour ceux que ça intéresse, 700 pts pour la manche+300 pts pour le goal). Bref, nous voila donc à La Féclaz pour une montée rapide -au déco du Revard- de six km à pied par la route. Je pressens que les conditions vont aller en s’améliorant et nous décidons donc de ne pas nous presser pour nous préparer. Cette fois-là le futur va me donner raison. Je décolle et choisi de me diriger à gauche vers la croix du Nivollet pour en faire mon point n°1. Les conditions sont nerveuses, les thermiques étroits et je ne peux pas me hisser plus haut que 1700m. J’arrive néanmoins à cheminer au niveau du relief aidé par le vent, pas mal de voiles reviennent du sud et semblent peiner. Rapidement j’aperçois la croix devant moi. Mais en regardant mieux je vois aussi quelques voiles en train de ramer SOUS la croix. J’en déduis que ça va être très dur de revenir si je passe la dernière combe car je serai alors sous le vent et elle ne donnera donc pas de dynamique. D’où les gars en train de zôner car les thermiques se font rares du fait des nombreux nuages qui couvrent le ciel. Je fais donc demi-tour avec une cinquantaine de mètres au-dessus des arbres et rentre assez tranquillement au déco. Déjà les premiers sont vachés en bas…Puis cap à droite le long de la falaise où j’arrive assez bas (Mickaël se demandera comment j’ai fait pour être au-dessus de la grappe deux minutes après !) mais où le soleil déclenche quelques bulles dont une me propulse à nouveau à 1700 en quatre tours. Je ne lambine pas et tente la transition sur La Cornat. Ma voile étant une merveille je ne perd pratiquement rien et je peux alors longer la crête jusqu’au défilé de Pont de l’abîme que je franchis dans l’élan. Devant le défilé plusieurs voiles sont posées, d’autres zônent très bas ; D’ailleurs tout le long du parcours les atterros s’improvisent allègrement. Je crois avoir fait le plus dur mais il n’en est rien. Arrivé au-dessus du crêt de Châtillon le plafond est toujours à 1700, je rate une bulle dans laquelle quelques uns arrivent à se loger puis disparaissent derrière le relief. Je suis trop bas et ne peux pas rallier le roc des bœufs pour ensuite transiter sur Talloires. Il faut absolument passer au-dessus des reliefs sinon c’est le tas assuré. Je patiente donc là en attendant un cycle meilleur au milieu d’un petit groupe de six voiles. On se croirait dans le métro. Une tentative en plaine ne me donne que des sueurs froides pour le retour. J’en suis là et je regarde avec avidité des voiles tourner au roc des bœufs (lorsque je l’aperçois au hasard d’une bulle plus puissante mais qui s’essouffle vite) en me demandant si ce sont des concurrents ou des locaux lorsqu’une voile (j’apprendrai par la suite qu’il s’agit de Carlos un copain rencontré à Aguergour) s’écarte elle aussi en plaine au-dessus de Quintal et se fait propulser. C’est la ruée immédiate et il me faut une minute pour monter à la base du nuage à 2000m. Bien sûr tout le monde a fait pareil et avec une synchro digne de la Paf nous mettons le cap sur le goal qui nous tend désormais les bras puisque le vent travers arrière nous aide même maintenant un peu. Certains se dirigent néanmoins sur le roc des bœufs pour assurer mais je n’en ai pas besoin et j’arrive avec encore pas mal de gaz au-dessus de l’atterro de Talloires. Je me pose comme un papillon, le sourire triomphant et je retrouve mon équipier Chibane, posé depuis quelques minutes. Il m’avait éjecté d’un thermique au crêt de Châtillon à vouloir me suivre de trop près et il avait bien failli me faire faire un tas. Nous nous congratulons et allons boire une bonne bière pour fêter ce joli cross. Je finirai là aussi 6°. Jusque là tout va bien…
Le lendemain matin nous nous réveillons au bivouac de Lumbin la bave aux lèvres. Tout le monde embarque soit par le funi soit par les navettes direction la moquette. La manche est fixée, il s’agit de parcourir la plus grande distance possible avec deux points de contournement optionnels et un goal à La Gache (entre Barraux et Pontcharra, au bout et en bas de la Chartreuse) . Le plafond est bas est du nord :nord ouest (annoncé) est déjà présent. Je décolle donc le plus vite possible, mais cent pilotes à mettre en l’air ça crée des embouteillages ! Bref, cap à droite dans du teigneux et direction les antennes. Ca le fait, alors sans attendre j’embraye sur Manival. Trois voiles sont devant moi plus hautes et je tente le pari de traverser en partant avec 50 m puis raccrocher bas pour leur reprendre du temps (parce que bien sûr le temps compte dans la manche…) en cheminant ras les arbres. Option chaude mais payante. Ca fonctionne plutôt bien et je me refait de l’autre côté en me faisant chahuter mais toujours en avançant bien en direction du Saint Eynard. En arrivant à hauteur du relief, je me fait défoncer par de l’ouest qui se mélange au nord de la vallée et aux brises thermiques à ma gauche. Chaud, chaud !! De plus les trois gars ont fait le saint Eynard et je les vois revenir aux oreilles sous un noiraud qui gonfle et m’attire à lui. Pas bon tout ça ! Tant pis pour le Saint Eynard. Je fais demi-tour et leur abandonne donc les trois km qui me reste en me disant que je reprends le temps perdu et que peut-être ils ne boucleront pas. Nous voila donc à quatre, cap au nord. Je choisi l’option de rester sous le haut des reliefs pour ne pas subir l’ouest. Bien m’en prend et une heure plus tard nous ne sommes plus que trois au bout du massif. Impossible d’aller tourner une balise au nord car le vent nous contre. Au final nous posons au goal et je finirai 6° de cette manche. Chibane aura moins de chance et finira à pied pour rejoindre le goal et Mickaël se fait bousculer sévèrement sous les antennes, se fait claquer, contre, part en vrille à plat, surpilote et enfin lance son secours pour finir tel un écureuil, pendu à 20cm du sol ! Un autre pilote finira aux arbres mais tout ça sans bobos. L’assistance arrange tout ça nickel-chrôme et nous nous dirigeons vers Aillon-le-jeune pour la fin de l’étape. Là, soit on rejoint le bivouac en navette, soit on crapahute avec ou sans la voile. 1000m de dénivelée ça fait réfléchir mais fort du résultat acquis, je décide de jouer la grosse option. 23 kg sur le dos et feu ! Quatre heures après je suis un tantinet moins péchu qu’au départ surtout que j’ai pris la pluie pendant une heure, que je me suis perdu et que j’ai dû faire cinq bornes de plus dont deux dans le lit d’un cours d’eau ! Le pire c’est les descentes dans ces cas là. Ca vous explose les cuisses et les genoux. Le bon côté c’est qu’il reste de l’eau chaude dans les douches du camping (à un km du bivouac, c’est pas cool ça ?). J’ai dû m’endormir avant de toucher le matelas ce soir-là.
Comme je vous l'avais annoncé, voici donc le récit de notre périple à travers les Alpes. Tout commence par un rassemblement de cent pilotes de tous les horizons à Passy, que nous ne connaissions pas. Super accueil, convivial, distribution des road-books, du programme et de quelques cartes mais soudain la pluie fait son apparition. Bof, se dit-on, ça ira mieux demain. Le lendemain matin, en effet, la pluie a disparu et un magnifique Mont Blanc nous souhaite bonne route vers Gresse en Vercors, lieu de notre premier bivouac. Le ciel est prometteur mais ce n'est là qu'une illusion car le vent est fort travers et l'étape en local qui était prévue se transforme en navette vers Saint Hilaire (Lumbin plus exactement) où Arnaud lance une manche en local; il s'agit de décoller de Saint Hil et de parcourir la plus grande distance avec un point de contournement. Nous serons une trentaine à décoller malgré les bourrasques de vent de nord; Je fais les antennes puis me rue sur l'atterro car une prime de 300 points est offerte au premier qui pose au goal. Mickaël et Chibane me suivent et nous sommes sûr d'avoir bien gagné la manche... Hélas, il est décidé d'annuler car nous sommes trop peu à avois pu décoller. Grrrr! Demain ça va fumer!
Maj. du 16/07: ce que j'ai oublié de dire, mais qui a son importance, c'est que avant d'être transférés à Lumbin nous nous sommes tapé la montée depuis Gresse jusqu'au col du Serpaton puis la redescente jusqu'au rond-point du col du Fau, sans les voiles c'est sûr, mais ça a commencé à bien nous entamer quand même!
Après ce long silence, vous allez avoir sous peu des news. En attendant, spécialement pour les nouveaux, n'hésitez pas à questionner le trésorier, il est au courant de tout.
Spécial dédicace à Clément: En guise de bienvenue au club, allez, on joue aux devinettes: de quoi vais-je vous parler ici-même bientôt?